Discours d’Otanès. P 80 ‘L’enquète’ par Hérodote

Dans la page 80 de l’ouvrage Enquete d’Hérodote, Otanés tient un discours ou il met en cause et donne ses raisons de ne pas soutenir l’oligarchie. Ses raisons sont encores d’actualité malgré les siècles passés.

Otanès engageait à remettre à la disposition de tous les Perses la direction des affaires ; il disait :
« Mon avis est qu’un seul homme n’ait plus sur nous d’autorité monarchique ; car cela n’est ni agréable ni bon.
Vous avez vu en effet à quel point s’est porté l’insolent orgueil de Cambyse, et vous avez pour votre part éprouvé aussi celui du mage.
Comment la monarchie serait-elle chose bien ordonnée, quand il lui est loisible, sans avoir de comptes à rendre, de faire ce qu’elle veut ?
Le meilleur homme du monde, investi de cette autorité, serait en effet mis par elle hors de ses pensers accoutumés.
La prospérité dont il jouit fait naître en lui 1′insolence orgueilleuse ; et 1′envie est innée chez 1′homme de tout temps.
Ayant ces deux vices, le monarque a en lui toute méchanceté : 1′orgueil fait que, gorgé, il commet beaucoup d’actes follement criminels ; 1′envie de même.
Εn vérité, le tyran, mieux qu’un autre, devrait ignorer 1′envie, puisqu’il possède tous les biens ; mais c’est tout le contraire qu’exprime son attitude envers les citoyens : il envie les meilleurs tant qu’ils vivent et sont de ce monde ; il est bien avec la pire partie de la population, il est très fort pour accueillir les calomnies.
Rien de plus inconséquent : si vous 1′admirez modérément, il vous en veut de ne pas le beaucoup courtiser ; le courtise-t-on beaucoup, il vous en veut comme à un vil flatteur.
Et je vais dire ce qu’i1 y a de plus grave : il bouleverse les coutumes des ancêtres, il fait violence aux femmes, il met à mort sans jugement.
Au contraire, le gouvernement du peuple, tout d’abord, porte le plus beau de tous les noms : isonomie.
Puis, il ne s’y fait rien de ce que fait le monarque : on y obtient les magistratures par le sort, on y rend compte de 1′autorité qu’on exerce, toutes les délibérations y sont soumises au public.
J’opine donc pour que nous renoncions à la monarchie et que nous élevions le peuple au pouvoir ; car c’est dans le nombre que tout réside. »